Une Flamme Scintille dans l'Igloo

Fiche technique
Nom originalV yarange gorit ogon (В яранге горит огонь)
Un feu brule dans la yarangue
OrigineRussie
Année de production1956
ProductionSoyuzmultfilm
Durée21 minutes
RéalisationOlga Khodataeva
ScénariiJeanna Vitenzon
AnimationVadim Dolgikh, Kirill Malyantovich, Vladimir Krumin, Vladimir Danilevich, Boris Boutakov, Renata Mirenkova, R. Markano, Victor Likhachev, Vladimir Arbekov, L. Popov
Direction artistiqueLeonid Aristov, Victor Nikitin
Direction du sonNikolai Prilutsky
DécorsIrina Troyanova, Irina Svetlitsa, Konstantin Malychev, Ye. Tannenberg
MontageA. Firsova
Direction photographieNikolai Vohinov, Elena Petrova
MusiquesG. Kreitner
Direction de doublageDaniel Roussel
Diffusions
1ère diff. Cable/Sat/TNT23 décembre 1995 (Canal J)
Rediffusions24 décembre 1995 (Canal J)
25 et 26 décembre 2004 (TiJi)
Editions
Sortie en VHS1995 (Citel)
Sortie en DVD2003 (Citel - Les trésors de l'animation)
Synopsis

A l'intérieur d'une yarangue (yaranga, tente circulaire faite de peaux de rennes ou de morses, de forme proche de la yourte), bien à l'abri du froid hivernal régnant en cette région du cercle arctique, la lumière d'un feu expose à nos yeux, une mère près du foyer rougeoyant, ainsi que ses enfants encore endormis d'un agréable sommeil baignant dans la douce chaleur de l'habitat. Dans cette cotonneuse atmosphère, le réveil des jeunes personnes se fait en douceur au son de la voix chantante de leur maman. Mais pour préserver ce petit espace protecteur de l'hiver arctique, le feu doit être alimenté régulièrement, sinon la température ne tarde pas à perdre rapidement les degrés qu'elle a accumulés et puisés au cœur des flammes. La mère demande alors à ses enfants, ceux-ci étant maintenant pleinement réveillés, de l'aider à ramasser du bois dans la toundra pour nourrir le feu, mais Jato (Jato ou Yato en VO, qui peut se traduire par une volée d'oiseaux), le jeune garçon, et Teione (Tejune ou Teyune en VO, orthographié également Gajune), la jeune fille, par trop paresseux, n'ont pas envie de se déranger alors que le feu déploie encore ses belles flammes dans le foyer. L'un préfère flâner, et l'autre se complaît à regarder, dans le reflet d'un récipient de bois rempli d'eau, ses belles nattes dont elle est fière, et tous deux de se chamailler.

De retour, la mère n'a hélas trouvé que peu de matière végétale qu'elle porte en un fagot de brindilles trop insuffisant, et elle redoute que l'intensité du feu ne s'amoindrisse avant de lui trouver d'autres nourritures. Pour inquiéter quelque peu ses enfants et leur faire prendre conscience du danger qui les guette à être trop insouciants, elle leur dit que si le feu venait à s’éteindre, Dame Blizzard, une sorcière des glaces, pourrait leur causer quelques soucis... Mais alors qu'elle entretient encore un peu le feu, quelques étincelles de celui-ci s'échappe par le toit de la yarangue pour finir par se déposer sur le voile de neige de Dame Blizzard qui passait par là, et faire un trou sur le dit vêtement. La colère envahit de suite la sorcière du froid qui ne peut pardonner cet incident et patiente, elle pénètre dans la yarangue en pleine nuit alors que le feu vient de mourir. L'intérieur devient alors très vite glacial et pour se venger, elle transforme la mère en oiseau, puis tente d'en faire autant avec les enfants, sans y parvenir toutefois, leur mère s'interposant en de virevoltant battements d'ailes empêchant la sorcière d'apposer sa baguette sur Jato et Teione. Mais hélas, Dame Blizzard dans son tournoiement infernal, réussit a emmener la mère dans son repère pour l'y faire prisonnière. Lui redonnant forme humaine, et pour la punir d'avoir abîmé son vêtement, elle lui impose de lui confectionner, avec des aiguilles de glace, un nouveau voile de neige avec du tissu ainsi composé.

Les deux enfants restés seuls avec leur petit chien, se sentant quelque peu coupables de n'avoir pas écouté les conseils de leur mère, n'ont maintenant pour seul désir que de retrouver cette dernière... (on ne peut que deviner leur culpabilité dans la version française car comme pour quelques autres plans ou séquences, cette VF issue de l'américaine a été amputée de la petite scène suivant l'enlèvement de la mère, celle-ci montrant les enfants, seuls et désolés, auprès du feu éteint dans la yarangue). C'est alors plein de détermination que Jato et Teione, accompagnés de leur petit compagnon canin, partent pour les grands espaces glacés avec pour ultime but de sauver leur maman des griffes glaciales de Dame Blizzard...


» Résumé complet


Commentaires

Ce court-métrage s'inspire de quelques contes originaires des régions du cercle polaire arctique en y introduisant des éléments de la culture et de la mythologie iakoute (Iakoutie ou Yakoutie, ou encore République de Sakha, la plus grande région de la Sibérie). A cet effet, on soulignera que la réalisatrice Olga Khodataeva (1894-1968) s'était déjà inspirée de contes issus de peuples sibériens, tel celui animalier des Evenks avec le court-métrage Taezhnaya skazka (Conte de la taïga) en 1951, et quelques autres évoqués un peu plus loin en cet article. Elle utilisa également pour Une Flamme scintille dans l'igloo le personnage de Dame Blizzard qui avait eu, 10 ans plus tôt, en 1946, et sous un aspect relativement similaire (accompagné par des ours polaires), un rôle dans le court-métrage d'animation Pesenka radosti (La chanson de la joie) réalisé par Mstislav Pashchenko, ce avec déjà quelques illustrateurs d'Une flamme scintille dans l'igloo, et avec également des compositions du même musicien Georgii Gustavovich Kreitner (1908-1958) dont ce fut l'une des rares participations pour le cinéma. Outre de nombreux parallèles, ce précédent film se concluait également sur l'arrivée du printemps et la disparition de l'être, maître du froid. Juste après Une Flamme scintille dans l'igloo, et avec de nombreux artistes y ayant œuvré (la scénariste, quelques animateurs et à nouveau le compositeur), Olga Khodataeva réalisa – avec Leonid Aristov qui l'accompagna sur ses derniers films – Le petit renne courageux / Hrabryj Olenenok (court-métrage édité en France en VHS avec La Princesse Grenouille) où elle réutilisait en quelque sorte les cervidés qui avaient accompagné Jato et Teione.

Cette histoire rappelle évidemment dans son canevas et sa thématique d'autres contes mettant en scène, au début de l'aventure, des enfants quelque peu insouciants et désobéissants. On peut encore le rapprocher dans une certaine mesure, de par la dimension du voyage initiatique qui a pour but de sauver un être aimé, et de s'opposer à un esprit hivernal, à La Reine des neiges qui sera adapté l'année suivante par le même studio.
En 1936, Olga Khodataeva mettra en scène un autre personnage maîtrisant le froid par le geste et le souffle, à savoir Grand-Père Gel (Ded Moroz, l'équivalent du Père Noël), dans Ded Moroz i seryj volk (Grand-Père Gel et le loup gris) d'après un écrit de Vladimir Suteev (auteur et dessinateur de nombreux contes animaliers, qui adapta également en plusieurs ouvrages le Pif d'Arnal connu au travers du célèbre magazine Pif Gadget). Elle met en scène à nouveau Grand-Père Gel en 1948 dans un autre magnifique métrage qu'elle réalise Novogodnyaya Noch' (La nuit de la nouvelle année), celui-ci évoquant l'imagerie traditionnelle, tout en étant pleinement dans l'ère communiste puisque le titre du métrage indique que le réveillon n'est plus marqué par le jour de la naissance du Christ et que les cadeaux sont distribués la veille du jour de l'An, et ce non pas individuellement mais à des groupes d'enfants... Si Grand-Père Gel est devenu alors un personnage très sympathique, ses origines en faisaient tout de même un être assez proche de Dame Blizzard.

Le studio Soyuzmultfilm a produit Une flamme scintille dans l'igloo trois ans après la mort de Staline (1878-1953). Si ce n'est en rien significatif, on soulignera toutefois que le peuple iakoute entrait dans le cadre d'une forte politique de collectivisation et d'homogénéisation lancée dans les années 20. Celle-ci, qui fera de nombreuses victimes, devait en plus de s'approprier les terres, soumettre certaines régions éloignées du pouvoir centrale à une uniformisation soviétique, et donc aseptiser les identités particulières de certaines populations et par là-même, leur culture. En s'intéressant à un conte d'origine iakoute, le studio se libérait quelque peu du proche passé stalinien de son pays encore marqué par la folie de son ancien dirigeant. Toutefois, les Iakoutes et d'autres peuplades des vastes terres russes tels les Nénètses à l'Ouest et les Tchouktches à l'Est allaient encore subir de fortes pressions de la part du gouvernement central pendant encore plusieurs décennies... De fait, le studio Soyuzmultfilm, au sortir de l'ère stalinienne et de sa censure qui avait sévit sur le cinéma soviétique pendant quelques 25 ans (1928-1953), bénéficia d'un certain état où il pu faire acte de création de manière peut-être un peu plus libre, ou tout du moins allégé du terrible poids stalinien. Aussi, la fin de Dame Blizzard fondant sous le coup de la flèche de feu pourrait faire écho à cette période soviétique dite de dégel.

Quatre ans avant la réalisation d'Une flamme scintille dans l'igloo, en 1952, Olga Khodataeva avait mis en scène le court-métrage d'animation Sarmiko qui présentait déjà une communauté tchouktche, mais le propos était quelque peu différent puisqu'elle y suggérait en douceur, en un certain réalisme contemporain, et au-delà du sauvetage d'un enfant prisonnier de la banquise en débâcle, les bienfaits du gouvernement russe sur les peuplades du Nord, du moins peut-on l'interpréter de la sorte.
Mais dès ses débuts, comme souligné un peu plus haut, elle travailla sur des œuvres mettant en scène quelque ethnie, notamment en 1928 avec Samoedskij mal chik (Le Petit Samoyède) qu'elle coécrivit et coréalisa avec les sœurs Brumberg (Valentina et Zinaida) et son frère Nikolai Khodataev (l'un des fondateurs de l'animation russe). Ce court-métrage était marqué par son aspect ethnographique, avec un jeune garçon Nenets présenté dans son environnement entre chasse et chamanisme. Mais déjà, ce film était également marqué par l'homogénéisation. Ainsi, vers la fin du métrage, prisonnier d'un morceau de banquise partie à la dérive, le jeune Nenets est secouru par un navire qui le conduit à Leningrad où il entre dans un collège spécialement créé pour les peuples du Nord, et où il étudie entre les portraits de Marx et Lénine.
Olga Khodataeva emprunta encore aux mythes tchouktches et nénètses avec Vozvraschennoe solnce (Le retour du soleil), en 1936 – l'une de ses premières réalisations pour Soyuzmulfilm –, où elle mit en scène un jeune garçon fort courageux allant secourir l'esprit du soleil capturé par un monstre marin (un poisson géant avec de grandes canines), cela alors que l'astre s'amusait sous la forme d'une petite fille sur des plaques de glaces dérivantes. Cette animation empruntant au style dynamique, voire à la forme des frères Fleischer, ne semble pas avoir été ternie par quelque propos autre que celui du conte. Il sera également question du soleil dans Kradenoe solnc (Le soleil volé) qu'elle réalise en 1943 avec Ivan Ivanov-Vano d'après un conte de Korneï Tchoukovski adapté en France par Pierre Gamarra, l'étoile étant cette-fois-ci avalé par un crocodile plongeant alors la jungle et ses occupants dans l'obscurité.

Hélas, comme un grand nombre de films d'animation russes passés entre les mains étasuniennes de Phil Roman et Film by Jove (adaptation et traduction sur laquelle repose la version française québécoise réalisée en 1995), la version originale a quelque peu souffert de nombreuses coupes, ici et là, sur toute la longueur du métrage, quelques scènes ou plans animés ayant disparu (comme pour le cervidé alors que Dame Blizzard fait son apparition... ou comme évoqué plus haut dans le résumé), quelques mouvements de personnages ayant été ôtés (comme pour la mère près du feu, ou les enfants à leur réveil...), cela pour raccourcir le court-métrage de 4 à 5 minutes (peut-être était-ce pour entrer dans le cadre de la collection vidéo de Phil Roman « Animated Classic Showcase » lancée en 1993). Il en est de même pour la musique signée par Georgii Gustavovich Kreitner, artiste ayant composé plusieurs opéras et diverses chansons, dont ici les partitions raffinées aux accents russes typiques du milieu du vingtième siècle ont été remplacées par des compositions classiques plus occidentales à la sonorisation plus contemporaine, tout comme l'image recadrée et la tonalité des couleurs aux atmosphères septentrionales qui a été retouchée totalement pour des teintes plus criardes (excepté le banc-titre français, toutes les images de la galerie sont issues de la version originale). Et il en est de même encore dans ces modifications des plus regrettables (quelques dialogues ont également été ajoutés, notamment pour les deux frères du Soleil) voire par trop irrespectueuses, pour le titre même de la version américaine A Flame in the Igloo traduit en français par Une flamme scintille dans l'igloo, alors que d'igloo dans ce film il n'y a pas, puisque l'habitat que l'on y voit est une yarangue ; la raison étant sans doute principalement régionale, les peuples inuits du nord de l'Amérique étant une référence plus familière que ceux des régions arctiques de la Sibérie.
Pour en revenir à la musique, on notera que la chanson interprétée par la mère dans la version russe possède quelques portées semblant avoir été inspirées par la composition de Giacomo Puccini pour l'opéra La Bohème, notamment de par quelques réminescences de Che gelida manina ou O soave fanciulla. On peut également y entendre une certaine ressemblance avec la chanson Memory (1981) composée par Andrew Lloyd Webber pour la comédie musicale Cats (1981) et rendue mondialement célèbre de par l'interprétation de Barbara Streisand, cette dernière composition ayant justement puisée quelque inspiration du côté de chez Puccini. Quant à la version américaine conservée dans la version française, la chanson a été remplacée par une composition plus proche d'une berceuse pour l'éveil.

Le scénario de ce film, l'un de ses premiers, fut écrit par Jeanna Z. Vitenzon (1929-) qui fera de même quelques 10 ans plus tard pour un court-métrage devenu depuis très célèbre, à savoir La Moufle de Roman Kachanov, avec Iouri Norstein à l'animation. La réalisatrice, un des piliers du studio de l'époque, était entourée d'artistes également parmi les plus illustres de Soyuzmultfilm. Parmi eux, le directeur artistique Leonid Aristov (1919-2009), qui réalisa également plusieurs films de marionnettes animés en temps réel ou en stop motion pour le studio Ekran, redessinera ce conte en 1963, en 53 pages, pour les éditions Sov. Rossiia de Moscou avec, toujours à l'écrit, la scénariste Jeanna Z. Vitenzon, cela sous le titre Prikazka za chrabrija Jato i negovata sestra Tejune. Il fut réédité, semble-t-il, pour la dernière fois en 1975, sous la forme d'un album jeunesse de 23 pages via les éditions moscovites Progress Publisher. Dans le même temps, ces mêmes éditions pubieront l'ouvrage dans une version en langue anglaise sous le titre The tale of brave Yatto and his sister Teune. Entre autres quelques différences dans les dessins, la yarangue ressemble un peu plus à une tente proche de celles utilisées par les Nénètses, mais le texte précise qu'il s'agit bien d'une yarangue. Voici une copie de ce livre en pdf (pour un feuilletage plus agréable, sélectionnez l'affichage « deux pages »).

En France, Une flamme scintille dans l'igloo fut édité en VHS aux éditions Citel en 1995 (accompagnant Blanche Neige et les sept chevaliers), année même où il fut diffusé sur Canal J, puis en 1998 (accompagnant entre autres L'Antilope d'Or), et une nouvelle fois en DVD en 2003 (avec à nouveau L'Antilope d'Or et deux autres films supplémentaires par rapport à la précédente édition). Malgré ce traitement, il serait tout de même grand temps qu'un autre éditeur se penche plus sérieusement sur les films d'animation russes de cette période, voire des autres, et leur offre enfin le traitement qu'il mérite, ce qui dans un pays qui se prétend être, par trop souvent, celui de la culture, ne serait que la moindre des choses...

Merci à markyoloup pour l'identification des voix du doublage.

Doublage
Voix françaises (Studio Double-Vue) :
Marie-André CorneilleLa mère
Johanne LeveilléJato (le jeune garçon)
Violette ChauveauTeione (la jeune fille)
Elizabeth ChouvalidzéDame Blizzard
Vincent DavyLe Soleil
Benoit RousseauL'Esprit du Sommeil
Daniel RousselLe narrateur
Auteur : Captain Jack
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Fiche publiée le 05 septembre 2013 - Dernière modification le 22 juin 2017 - Lue 15146 fois