Chobits

En l’an 2050, au Japon, presque tous les habitants de Tokyo sont équipés de Persocons, des androïdes dérivés d’ordinateur, à l’apparence humaine. Hideki, un étudiant provincial fraîchement débarqué dans la capitale, découvre l’un de ces Persocons, à l’apparence d’une douce et très belle adolescente, gisant au milieu de poubelles. Le jeune homme décide aussitôt de s’approprier le charmant androïde et parvient à le faire fonctionner... Ou presque. Car ce Persocon ne possède pas de système d’exploitation. Décidant de l’appeler "Chii" ("Tchii" pour la VF), comme le seul mot qu’elle semble capable de prononcer, Hideki ne se doute pas qu’il vient en réalité de rencontrer un Chobit, une créature bien plus "humaine" que tout autre Persocon, dotée de pouvoirs surnaturels, et qui va totalement bouleverser son existence...

De 2001 à 2002, dans les pages de Young Magazine (édité par Kôdansha), le studio Clamp signe avec Chobits un seinen (manga pour jeunes adultes masculins) bien plus profond et philosophique que son héroïne, stéréotype de fantasme (d’apparence adolescente, d’une beauté renversante, douce, muette, soumise et bien sûr court vêtue), et son propriétaire (fort sympathique bien que vaguement pervers) ne pouvaient le laisser supposer.
Hormis Hideki, tous les personnages "humains" de ce récit ont des histoires douloureuses liées à des Persocons. Au fil des pages et de ces destins qui se croisent, entre rire, ambiance douce-amère ou mélancolie, ce sont des interrogations psychologiques qui dominent : Peut-on aimer quelqu’un qui n’est pas humain ? Peut-on aimer quelqu’un différent de soi ? Et pour la tendre Chii, également confrontée à une quête identitaire : "Qui suis-je ? Pourquoi suis-je ici ? Quelle est ma raison d’exister ?"

En 2002, le studio Madhouse, qui avait déjà réalisé avec réussite les deux OAV de Tokyo Babylon, ainsi que les séries de X et de Card Captor Sakura, hérite sans surprise de l’adaptation de Chobits. Ces 27 épisodes ne seront pourtant pas aussi bien accueillis que les adaptations précitées. Si le character design respecte parfaitement les dessins originaux de Clamp qui sont joliment mis en valeur par des couleurs douces, on ne peut pas en dire autant du scénario. Même si les épisodes suivent globalement l’intrigue du manga, s’en écartant à peine lors de quelques hors série, l’œuvre de Clamp se trouve totalement dénaturée. Le fan service et le panty shot dominent l’anime, au détriment des véritables thèmes du récit. L’humour, qui malgré les origines tragiques de son histoire, ensoleillait le manga, se voit beaucoup gommé dans la série, qui y perd de son intérêt. Les personnages secondaires sont moins tourmentés et les caractères psychologiques et philosophiques sont évacués. L’histoire du personnage de Freya, d’une importance majeure dans le manga, se voit considérablement modifiée. Et la fin de la série est expédiée en quelques minutes, laissant bon nombre d’énigmes non élucidées, contrairement au manga. C’est d’autant plus dommage que le choix des musiques accompagne très bien l’intrigue, et que le casting des voix japonaises, notamment Rie Tanaka, l’interprète de Chii, est particulièrement réussi (la version française est plus caricaturale).
Concernant les interactions entre les séries de Clamp, le monde de Chobits s’avère être le même que celui du manga d’Angelic Layer, se situant chronologiquement quelques années après ce dernier. Le lien est fait par le personnage de Ichiro Mihara, époux de Chitose, et qui avait créé Chii et sa sœur jumelle avant de décéder. Il s’agit du même Ichiro Mihara, surnommé Icchan, président de la Piffle Company, scientifique sympathique et maladroit, qui avait auparavant créé les Angelic layer. Malheureusement, les téléspectateurs seront incapables de le remarquer s’ils n’ont pas lu le manga de Chobits auparavant, puisque dans l’anime, le nom de Ichiro n’est jamais cité, même dans la seule scène où il apparaît. C’est d’ailleurs une habitude puisque dans le manga d’Angelic Layer, Icchan fait référence à Chobits au détour d’une conversation avec Misaki, et que ce dialogue disparaît dans la série animée d’Angelic Layer...

Par ailleurs, Chii étant l’un des personnages féminins les plus populaires du Studio Clamp, celle-ci réapparaîtra à de multiples reprises dans leurs œuvres ultérieures :
- Dans l’OAV Clamp in Wonderland 2, c’est elle qui bénéficie de la plus longue présence à l’écran parmi tous les personnages de Clamp.
- Dans le manga de Tsubasa Reservoir Chronicle, une autre Chii a été créée par la magie de Fye, d’après le souvenir de sa propre mère. Cette Chii est restée au pays de Celes afin d’avertir Fye lorsque le Roi Ashura-ô se réveillera de son long sommeil.
- Dans l’épisode 32 de la série animée de Tsubasa Chronicle, Fye et ses compagnons de voyage rencontreront un autre double dimensionnel de Chii. Celle-ci est reine d’un monde où le soleil ne se lève jamais. Notez pour la suite que le personnage principal féminin de Tsubasa est la Princesse Sakura, elle-même double dimensionnel de Sakura Kinomoto, héroïne de Card Captor Sakura...
- Dans Kobato (manga et anime), on fait la connaissance d’un autre double dimensionnel de Chii. Qui ne s’appelle plus Chii, mais Chiho, et c’est une humaine âgée dizaine d’années. Sa sœur jumelle Freya, aussi présente sous forme humaine et enfantine, s’appelle désormais Chise. Elles vivent uniquement avec leur mère (désormais biologique et non adoptive), Chitose.
- A l’occasion du Clamp Festival 2011 à Tokyo, les Clamp créeront un petit manga exclusif pour les chanceux visiteurs de cet évènement. On y retrouve Chiho et Chise, et l’on y découvre qu’elles sont des camarades de classe de... Sakura Kinomoto et Tomoyo Daidoji ! Ce qui, de ce fait, place les aventures de Kobato et celles de Card Captor Sakura dans le même monde dimensionnel. La boucle est bouclée.