Super Souris et l'Arme Secrète

En l’an 80 (dite « année Mickey ») sur la planète Sourius, les Chats font régner la terreur avec le syndicat du crime dirigé par le puissant Giovanni El Gato. Alors que tout espoir semble perdu, les membres de la Souricière préparent l’arrivée d’une nouvelle arme qui devrait leur valoir la victoire face aux Chats. Pour cela, ils décident d’envoyer Grabowski, autrefois un de leurs meilleurs éléments, aller chercher les plans de cette arme dans la ville de Pokyo. L’ex-agent de la Souricière, désabusé et vivant reclus à la campagne, accepte la mission et devra faire face à de multiples dangers incluant des pirates, un quatuor de rats gangsters ainsi que le cruel Fritz Teufel, homme de main d’El Gato.

Bien que peu connu en France, Super Souris et l’Arme Secrète fait partie des longs-métrages animés des années 1980 les plus populaires de Hongrie en mêlant humour et récit d’espionnage à la James Bond.

Tout est parti de la chanson Four Brothers interprétée en 1978 par le quatuor de jazz vocal The Manhattan Transfer : le scénariste József Nepp s’amusera à en tirer un clip parodique – avec quatre rats tueurs à gages présentant leurs spécialités – dans l’idée de le développer au sein d’une histoire plus grande. L’éternel conflit entre chats et souris courant dans le dessin animé se retrouve ici transposé en lutte des services secrets contre les barons du crime, le tout sur fond de références à la pop culture entre le texte d’ouverture défilant à la Star Wars, le personnage de Pissy inspiré par Liza Minnelli dans le film Cabaret (1972), le film-catastrophe, le cinéma d’horreur et bien sûr James Bond en premier lieu. Le ton se veut résolument adulte avec un humour noir impliquant des passages sanglants et des références sexuelles mais le coproducteur canadien mettra fin à cette orientation scénaristique en exigeant un script plus acceptable pour le grand public. Le scénario se retrouve adouci, un personnage de chat positif est même rajouté avec Catty, une fillette secrètement amie avec une souris, officiellement pour éviter que les enfants ne se mettent à détester les chats à l’issue de la vision du film…
Pourtant, malgré ces aménagements, les auteurs ne se départissent pas de leur esprit cinglant et le résultat final propose des fulgurances plutôt inattendues pour un dessin animé grand public : on y retrouve de nombreux décès traités avec légèreté, des personnages féminins au design explicite et même une paire de seins nus au détour d’un plan. Parmi les idées abandonnées de la première version du scénario, Grabowski devait être un robot ; ses quelques fonctions cybernétiques qui demeurent dans le film apparaissent donc sans explications, renforçant un peu plus l’aspect décalé de l’ensemble. Les péripéties s’enchaînent, entre courses-poursuites délirantes et dialogues sarcastiques (le ton général est même accentué dans le doublage français où Patrick Guillemin, Gilbert Lévy, Daniel Lafourcade et Philippe Peythieu s’en donnent à cœur joie, faisant fuser les répliques sans s’interdire un langage fleuri !). Le tout est ponctué d’une bande-son éparse avec quelques passages musicaux mémorables comme la chanson inaugurale des 4 gangsters, la bossa nova à la trompette de Rick la Flemme ainsi qu’une chanson disco interprétée par Júlia Postásy (laissée en VO dans la version française).

Malgré des critiques peu élogieuses, Super Souris et l’Arme Secrète sera l’un des plus gros succès de l’année 1986 en Hongrie, dépassant le million d’entrées. En Russie, il sera même considéré comme un film culte avec un doublage assuré par le studio Soyuzmultfilm et un montage écourté de 6 minutes. Les États-Unis auront également droit à une version altérée, avec les noms des personnages principaux changés et certaines répliques trop crues remplacées. Si en France, l’adaptation est grandement respectueuse de la version originale, il est regrettable que le film n’ait bénéficié que d’une sortie discrète, aussi bien en salles qu’en DVD. Sa première édition vidéo présente d’ailleurs une jaquette peu flatteuse qui, associée à son titre, peut faire penser à une contrefaçon est-européenne du personnage de Super-Souris créé par Paul Terry en 1942 alors que les deux œuvres n’ont rien en commun. Une réédition DVD présentant le film restauré numériquement – ainsi qu’une jaquette plus respectueuse – arrivera chez Extralucid Films en avril 2021 ; d’abord à destination du réseau institutionnel (écoles, médiathèques, collectivités etc.), ce DVD a été rendu accessible au grand public quelques mois plus tard mais uniquement via la Fnac.

Si Super Souris et l’Arme Secrète est pour nous un bijou d’humour à redécouvrir, pour son pays d’origine il reste une référence de la pop culture locale qui connaîtra diverses déclinaisons dont une adaptation en comédie musicale en 2011 par le chanteur Róbert Szikora et le compositeur Attila Valla. Une suite, Macskafogó 2 – A sátán macskája (Attrape-Chat 2 – Le Chat de Satan), sortira en 2007 avec un récit prenant place 20 ans après les événements du premier film ; si Béla Ternovszky et József Nepp sont toujours respectivement à la réalisation et au scénario, l’accueil de ce second opus sera mitigé. Une série spin-off de 12 épisodes intitulée Macskamesék (Histoires de chat) avec des personnages inédits avait été également prévue mais sera finalement annulée ; seuls 2 épisodes réalisés en 2001 seront achevés.