Ie Naki Ko

(inédit)
Fiche technique
Nom originalIe Naki Ko (家なき子)
L'Enfant sans foyer
OrigineJapon
Année de production1955
ProductionNHK Enterprises, KakashiZa
Nombre d'épisodes26 x 30 minutes
AuteurYoshio Yamanouchi traducteur
Auteur romanHector Malot
ProductionYasutaka Fuji
SupervisionSôichi Tominaga
ScénariiYoshio Nakajima, Yasutaka Fuji
Mise en scèneRyôtarô Hagiwara
DécorsTadao Usami
MusiquesTôru Takemitsu
Synopsis

En France, au début de la Troisième République, dans le petit village pauvre de Chavanon... Rémi est un jeune garçon de huit ans vivant, heureux, avec sa mère aimante, maman Barberin. Leurs principales ressources qui suffisent à leur bonheur sont une précieuse vache et un peu d'argent envoyé par le père de Rémi, Jérôme Barberin, un tailleur de pierre qui travaille à Paris depuis quelques années, et dont le jeune enfant a oublié le visage puisque l'homme quitta le foyer pour exercé son métier dans la capitale avant que Rémi ne soit en âge de comprendre ce qui l'entourait. Mais un jour, ce père qu'il ne connaît que peu, a un terrible accident sur le lieu de son travail qui le contraint a abandonner son métier, et de plus sans recevoir aucune indemnité puisqu'il n'aurait pas dû être présent à ce moment-là à la place où il a été grièvement blessé. Ainsi, ce père presque inconnu est alors de retour dans son foyer, aigri par sa situation et ne pouvant plus subvenir aux besoins de son épouse et de cet enfant – Rémi – qui est en fait un enfant abandonné à sa naissance et que Jérôme Barberin a trouvé et recueilli.

Apprenant sa véritable nature lors d'une conversation entre ses parents, Rémi ne sait que penser de cette nouvelle perspective qui s'impose à lui, si ce n'est que cela ne change en rien quant à l'amour qu'il porte à sa mère adoptive. Mais Jérôme Barberin – qui ne gagne plus d'argent puisqu'il a perdu son emploi et qu'il est handicapé – décide de se séparer de Rémi. Ainsi pour quelques sous, et sans en dire un mot à sa femme, il va le vendre à un artiste ambulant, le signor Vitalis, dont la troupe se compose de trois chiens (Capi, Zerbino et Dolce) et d’un singe (Joli-Coeur).

Rémi, déconcerté par cette situation et s'interrogeant sur l'identité de ses véritables parents, ne peut faire autrement que d'obéir à Jérôme Barberin. Il va alors apprendre le métier de comédien des rues en compagnie du signor Vitalis, un homme d'une grande bonté et dont les connaissances laissent deviner qu'il fut un grand homme par le passé (il lui apprendra même à lire). Ainsi, ensemble, ils parcourent les routes et chemins de France, s'arrêtant dans les villes et villages afin d'y donner des représentations de leurs spectacles pour gagner suffisamment d'argent qui leur assure le boire et le manger.

Hélas, lors d'une représentation, Vitalis est arrêté par un représentant de la loi qui l'accuse à juste titre, l'artiste ne sachant pas que cela était obligatoire, de ne pas avoir fait une demande d'autorisation pour se produire dans les rues de la ville. Il est alors jugé et condamné à deux mois de prison. Rémi se retrouve seul, avec toutefois toujours à ses côtés Capi, Zerbino, Dolce et Joli-Coeur.

En attendant de retrouver Vitalis lorsqu'il sortira de prison, Rémi décide de s'occuper de la troupe et de se produire en spectacle afin de pouvoir assurer sa subsistance et celles de ses compagnons animaliers. Toutefois, il n'a pas l'occasion de le faire car peu de temps après il fait la connaissance de madame Milligan, une veuve de la noblesse anglaise qui voyage avec son fils Arthur, de faible santé, à bord du bateau-péniche « Le Cygne », parcourant les rivières et canaux de France. Ceux-ci ont entendu Rémi joué de la harpe près de la berge et l'ont invité à se produire à bord du bateau. Arthur, dont le handicap ne lui permet pas de marcher, est plus que joyeux au contact de Rémi et de sa troupe et lui et sa mère vont inviter le jeune artiste à séjourner à bord du « Cygne », jusqu'à la libération de Vitalis. C'est ainsi que Rémi va passer deux mois d'un grand bonheur auprès de madame Milligan et Arthur, sans se douter que cette femme est en réalité sa véritable mère, et de même madame Milligan se sachant pas que Rémi est ce fils qui lui a été enlevé peu après sa naissance.

Ainsi, après ce beau séjour auprès de madame Milligan et de son fils, Rémi reprendra son activité de comédien des rues avec Vitalis, à la fois heureux de retrouver ce dernier et triste de quitter la bienheureuse présence de cette mère et de son enfant. Hélas, Rémi va être ensuite confronté à bien des malheurs qui va fortement affecter la petite troupe (Zerbino et Dolce meurent victimes des loups, de même que Joli-Coeur peu après ce terrible incident, et Vitalis les rejoint en protégeant Rémi lors d'une tempête de neige). Fort heureusement, après avoir souffert de la disparition de ses amis, Rémi fera de belles rencontres (la famille Acquin, Mattia...) qui le conduiront petit à petit sur les traces de sa véritable mère qu'il ne sait pas déjà connaître...

Commentaires

En 1955, année de création de l'œuvre de marionnettes présentée ici, les séries d'animation télévisées n'existent pas encore : elles apparaîtront pleinement aux Etats-Unis aux environs de 1956-57 (particulièrement avec les productions Hanna & Barbera et Terrytoons) et au Japon en 1963 (avec Tetsuwan Atom d'Osamu Tezuka), et plus timidement en France au début des années 1960 (avec notamment Jean Image). Aussi, dans la première décennie télévisée, celle des années 50, les télévisions du monde entier produisent essentiellement pour la jeunesse des séries en prise de vue réelle, mais aussi des séries ou des émissions avec des marionnettes manipulées par des marionnettistes. On peut ainsi citer aux Etats-Unis The Howdy Doody Show (2543 épisodes, 1947-60) avec Buffalo Bob Smith, Kukla, Fran and Ollie (1947-57) de Burr Tillstrom, ainsi que Time for Beany (1949-55) créée par le grand animateur Robert "Bob" Clampett qui quatre ans après reprendra les principaux personnages de cette série de marionnettes (très appréciée par le célèbre physicien Albert Einstein, et les artistes Harpo Marx et Frank Zappa) avec la série d’animation Beany and Cecil. Pendant ce temps-là, à la télévision au Royaume-Uni, il y a quelques séries de marionnettes produites par Maria Bird et Freda Lingstrom, ainsi que la première adaptation de Oui-Oui d'Enyd Blyton The Adventures of Noddy (1955-58, ITV / BBC) avec les marionnettes de Peter Hayes. En Allemagne, la compagnie de théâtre Augsburger Puppenkiste produira plusieurs aventures de marionnettes à partir de 1953 dont en 1959 la première adaptation télévisée des Moomin de Tove Jansson, et en France sur la RTF il y aura de 1953 à 1957 Martin Martine ainsi que des ouvrages de Martine Gervais et Raymond Charriaud et des petites séries comme Les Contes de Barbignol (1957) avec les marottes d'André Tahon, Bonjour la compagnie (1958-59), Les Aventure de Mic ou Roby et Valérie (1961). Période riche de productions qui hélas, le temps passant, ont été plus ou moins oubliées... comme l'ouvrage évoqué dans la présente fiche.

Cette série d'ombres ou de silhouettes manipulées en temps réel fut diffusée (en direct) uniquement sur la NHK, du jeudi 7 avril 1955 au mercredi 28 septembre 1955, à 18h00. Elle fit partie des premières séries de marionnettes (à fils, à gaine ou à tiges) produites dès l'ouverture de la première chaîne de télévision japonaise le 1er février 1953, succédant alors à trois œuvres sérielles mises en forme par la compagnie de théâtre de marionnettes Youkiza et dont les histoires étaient inscrites dans la culture et la tradition nippone : Tamano-no-Mae (13 épisodes, d'après une œuvre de l'écrivain et dramaturge Kido Okamoto), Shinshu Tenma Kyô (13 épisodes, d'après un récit du romancier Eiji Yoshikawa) et Kokusenya Gassen (15 épisodes, d'après une pièce de Monzaemon Chikamatsu). A cet égard, elle se distinguait de celles-ci et des suivantes au travers de l'origine du roman qu'elle adaptait, à savoir Sans famille (1878) de l'écrivain français Hector Malot. C'était probablement, après plusieurs adaptations au cinéma, la toute première série et adaptation télévisée au monde de cet ouvrage. A noter également que comme toutes les séries de marionnettes produites par la NHK, elle ne fut pas rediffusée et ne connut aucune distribution de par le monde.

L'adaptation scénaristique de ce Sans famille fut écrite à la source de la traduction, dernière en date alors, du roman en 1952-54 par Yoshio Yamanouchi (Yoshio Yamauchi, 1894-1973), chercheur en littérature française, notamment professeur de français à l'Ecole des Langues Etrangères de Tôkyô puis professeur à l'Université Waseda. Il fut traducteur de nombreuses œuvres littéraires françaises telles La Porte étroite d’André Gide (en 1923), Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas (en 1927) ou encore Les Thibault de Roger Martin du Gard (de 1938 à 1940). Il fut aussi le traducteur de nombreux textes de Paul Claudel qu'il rencontre alors que le dramaturge, poète et essayiste français est ambassadeur au Japon de novembre 1921 à février 1927. Il traduisit ainsi en japonais le roman Sans famille et rédigera également en 1956, avec Sôichi Tominaga, le texte d'un livre d'images consacré à cette série de silhouettes.
Il est à noter que la première traduction au Japon du roman Sans famille date de 1903 et fut signée par le politologue et écrivain Kinzô Gorai (lui aussi fera la connaissance de Paul Claudel) : elle fut publiée en feuilleton dans le Yomiuri Shimbun sous le titre Imada minu oya (Parents inconnus). L'histoire de Rémi connaîtra de nombreuses autres traductions japonaises jusqu'à la dernière à ce jour en 2019. Lorsque le théâtre Kakashiza décide de l'adapter, le public nippon est déjà conquis par ce récit dont une adaptation cinématographique française est sortie au cinéma au Japon en 1935, celle réalisée en 1934 par Marc Allégret avec Robert Lymen au triste destin dans le rôle de Rémi (deux ans plus tôt, il interprétait le rôle de Poil de Carotte auprès du grand Harry Baur sous la direction de Julien Duvivier) et Serge Grave dans le rôle de Mattia (quatre ans plus tard, il jouera celui de Beaume dans le chef-d'œuvre Les Disparus de Saint-Agil de Christian-Jacque où jouait également le grand Aimé Clariond qui interprétait James Milligan dans le film d'Allégret). Sortira également au cinéma au Japon en 1960 l'adaptation franco-italienne signée en 1957 par André Michel avec les célèbres Gino Cervi, Pierre Brasseur et Simone Renant, ainsi que le jeune Joël Flateau dans le rôle de Rémi.

Le thème (ou la présence) de l'orphelin dans les œuvres de fiction japonaises est très apprécié au Japon et moult productions l'ont évoqué : on peut citer dans l'univers du manga (et adaptées en animation) des œuvres comme parmi les plus célèbres Gen d'Hiroshima, Ashita no Joe, Candy Candy et Amer Béton, ou dans la littérature avec le roman La Tombe des lucioles d'Akiyuki Nosaka adapté en film d'animation par Isao Takahata. La liste pourrait être très longue et l'on peut encore évoquer parmi les plus populaires des adaptations littéraires d'œuvres occidentales en séries d'animation telles Heidi, Anne... la maison aux pignons verts, Pollyanna, Princesse Sarah, Papa Longues Jambes ou Un Chien des Flandres, mais aussi dans un autre genre des œuvres comme Fantastic Children ou parmi de plus récentes productions Black Clover.
A cet égard, quatre ans après la diffusion de la série Ie Naki Ko produite par la compagnie Kakashiza, la NHK proposera à ses téléspectateurs une autre histoire d'orphelins en diffusant pour la première fois sur son antenne une série française (produite avec le Canada), à savoir Le Tour de la France par deux enfants réalisée par William Magnin et écrite par Claude Santelli et Michèle Angot. Produite par la RTF (ancêtre de l'ORTF) en 1957-58, et adaptant le célèbre manuel scolaire de lecture éponyme de G. Bruno (Augustine Fouillée-Tuillerie) édité en 1877 (un an avant le roman Sans Famille qui lui aussi propose un voyage à travers la France), cette série est probablement la première production télévisée française a connaître une diffusion sur le petit écran nippon. Son succès auprès du public japonais sera accompagné, lors de sa diffusion sur la NHK en 1959, par une adaptation en manga dans le magazine shôjô Hitomi (mensuel édité par Akita Shoten), adaptation signée par un jeune mangaka du nom de Akira Matsumoto qui quelques années plus tard, en 1965, modifiera son nom en celui qui illuminera de sa poétique de l'espace intersidérale à la fois l'univers du manga et de l'animation japonaise, Leiji Matsumoto. Ce dernier adaptera librement le feuilleton français et fera même du plus jeune des frères, une fille. A cet effet, on notera que Rémi sera lui aussi transformé en fille dans une libre adaptation de Sans Famille en 1996-97 par la Nippon Animation (26 épisodes). Et à propos encore de fille, Hector Malot écrivit en 1893, seize ans après Sans Famille, le roman En Famille qui n'est pas une suite mais un récit narrant la vie de Perrine, une jeune orpheline âgée de douze années..., œuvre qui sera adaptée en 1978 en une série d'animation japonaise Perrine Monogatari (52 épisodes, inédite en France) produite par la Nippon Animation dans la fameuse collection « Sekai Meisaku Gekijô » (Théâtre des chefs-d'œuvre du monde). Cette série débuta sa diffusion hebdomadaire le dimanche 1er janvier 1978 sur Fuji TV à 19h30 alors que depuis trois mois déjà, le 2 octobre 1977, le dimanche également mais à 18h30, était diffusée sur Nippon TV la magnifique série Rémi de la Tokyo Movie Shinsha adaptant Sans Famille, les deux œuvres télévisuelles étant ornées par les musiques du même compositeur, Takeo Watanabe, celui-ci ayant également joué de ses accords mélancoliques sur d'autres orphelines comme Heidi, Candy et Sandy Jonquille. Il a également composé en 1974-75 la musique d'un drama produit par TBS ayant pour titre Ie Naki Ko mais qui, comme le drama au titre éponyme de 1994-95 produit par Nippon TV, n'est pas une adaptation du roman d'Hector Malot, même s'il lui empreinte quelques thèmes (pour en savoir plus sur la diffusion japonaise du feuilleton français, lire le texte : « Le Tour de la France par deux enfants, au Pays du Soleil levant » | Jacques Romero Vey - septembre 2017).

La technique utilisée pour la série Ie Naki Ko produite avec la NHK est celle du théâtre de marionnettes de papier, appelé aussi théâtre de silhouettes ou d'ombres, où l’on ne voit seulement des personnages que les silhouettes découpées. Elle était réalisée par la compagnie théâtrale Kakashiza / Gekidan Kakashi-za (Shadow Play Theatre Kakashiza, son nom se traduisant par l'Epouvantail) dont en France nous pûmes admirer sur FR3 le travail sur les séries télévisées Contes du folklore japonais / Kage-e Mukashi Banashi (1976-79) et Les Contes de Grimm / Kage-e Grimm Dôwa (1980-81), toutes deux produites pour TBS.
Cette compagnie, créée en 1952 par Yasutaka Gotô (1926-1979) et son épouse Isoko Gotô (1931-), perpétue encore au 21ème siècle cette tradition en formant de jeunes artistes, explorant de nouvelles techniques, ou alliant le théâtre de silhouettes à d’autres formes scéniques. Parmi les spectacles qui ont eu beaucoup de succès ces dernières années, on peut citer les adaptations Le Chat Botté et Le Petit Prince dirigées par Kei Gotô (1955-), le fils de Yasutaka Gotô, celui-ci ayant pris la relève à la mort de son père.

Ie Naki Ko n'est toutefois pas la première œuvre de la compagnie Kakashiza créée pour le petit écran. Ainsi, dès ses premières années d’existence, celle-ci a réalisé des œuvres de silhouettes pour la télévision. Elle concevra alors pour la NHK, dès les premiers jours de la chaîne, quelques ouvrages – courts ou moyens-métrages – dont de nombreuses adaptations telles : Terebi e-banashi - Burêmen no Ongaku-tai (Les Musiciens de Brême des frères Grimm , le 20 janvier 1953), E-banashi - Arajin to Fushigina Ranpu (Aladin ou la Lampe merveilleuse, le 9 mars 1953), Kigan-jô (L’Aiguille creuse de Maurice Leblanc, en quatre parties d'août à octobre 1953), Toshishun (de Ryûnosuke Akutagawa, le 4 ou 14 janvier 1954), ou encore Takarajima (L'Île au trésor de Robert Louis Stevenson, en deux parties les 6 et 13 mai 1954). A la différence de ces précédentes et courtes productions et hormis des créations originales de 4, 6 et 9 épisodes, Ie Naki Ko était une première série plus imposante de par sa durée de 26 épisodes. Bien d'autres travaux télévisés seront encore réalisés jusqu'en 1965 par la compagnie Kakashiza pour la NHK comme une seconde adaptation de L'Île au trésor mais en une série de 12 épisodes du 5 octobre 1955 au 28 décembre 1955, ou Arupusu no yama no shôjo adaptant Heidi de Johanna Spyri en une série de 12 épisodes du 4 janvier 1956 au 28 mars 1956, et de même encore sur cette même période avec une adaptation de Train de nuit dans la Voix lactée de Kenji Miyazawa ainsi que Hashire Merosu (Cours, Melos ! de Osamu Dazai, le 12 novembre 1955) mise en scène par Ryôtarô Hagiwara, réalisateur du Ie Naki Ko évoqué en cette page.
Quant à la NHK, elle produira bien d'autres séries de marionnettes à fils, à gaine ou à tiges comme les séries de science-fiction Uchûsen Shirica (Silica le vaisseau spatial, 227 épisodes, du 5 septembre 1960 au 28 mars 1961) d'après l'écrivain Shinichirô Hoshi, Le Commando de la Voie lactée / Ginga Shônen-tai (92 épisodes, du 7 avril 1963 au 1er avril 1965) conçue par Osamu Tezuka et Kuchû Toshi 008 (Cité aérienne 008, 230 épisodes, du 7 avril 1969 au 3 avril 1970) d'après un roman de Sakyo Komatsu et avec, comme pour les deux séries de science-fiction précédemment citées, les marionnettes de Kinosuke Takeda. On peut également citer les séries ayant eu un fort succès populaire comme Chirorin Mura To Kurumi No Ki (Le Village de Chirorin et le noyer, 812 épisodes, du 14 avril 1956 au 3 avril 1964) avec les marionnettes de Tetsu Ozawa, Hyokkori Hyôtan Jima (Les Mille et une aventures de l’île calebasse, 1224 épisodes, du 6 avril 1964 au 4 avril 1969) avec les marionnettes d'Akira Kataoka de la compagnie théâtrale Hitomi-za (joyeuse série à laquelle Isao Takahata fera référence dans son film Souvenirs goutte à goutte), Shin Hakkenden (464 épisodes, du 2 avril 1973 au 28 mars 1975) adaptant l’œuvre monumentale La Légende des huit chiens de Satomi du Nansô / Nansô Satomi Hakkenden de Bakin Takizawa avec les marionnettes de Jusaburô Tsujimura (adaptée également par AIC et Pioneer LDC), Prinprin Monogatari (L’histoire de Prinprin, 656 épisodes, du 2 avril 1979 au 19 mars 1982) avec les marionnettes d'Akimitsu Tomonaga, ou encore parmi d'autres Sangokushi (du 2 octobre 1982 au 24 mars 1984) adaptant La Romance des Trois Royaumes de Luo Guanzhong (œuvre littéraire chinoise réécrite par Eiji Yoshikawa) avec les marionnettes de Kihachirô Kawamoto, maître du stop-motion... des œuvres à la dimension épique réalisées avec une diversité de genre de marionnettes où toute la flamboyance de cet art théâtrale nippon illumine le petit écran.

La technique de manipulation des personnages par les marionnettistes de la jeune compagnie Kakashiza était déjà d'une grande qualité sur Ie Naki Ko et d'un raffinement certain, à la fois dans la réalisation des gestes et le mouvement des corps. Quant aux décors sur lesquels se mouvaient les silhouettes noires, ils étaient conçus par Tadao Usami qui, pour leur donner un certain relief, utilisait un panel de teinte de gris et quelques effets de luminosité comme le reflet de la lumière à la surface de l'eau. La diffusion de ce spectacle diffusé en direct imposait chaque semaine un travail de préparation important, aussi bien de la part des artistes que des techniciens de la NHK.
La poésie de la lumière et des silhouettes était accompagnée par les compositions du grand musicien classique et contenporain Tôru Takemitsu (1930-1996) : il créa une centaine d'oeuvres musicales d'une grande richesse et ce pour une multitude d'instruments, mêlant à un certain degré la musique occidentale à la musique traditionnelle japonaise. La partition qu'il élabora pour Ie Naki Ko fut l'une des premières œuvres sonores qu’il produisit pour des images, choses qu’il fera par la suite tout au long de sa carrière pour le cinéma (il composera pour une centaine de longs-métrages) avec pour exemple parmi les films les plus célèbres qu'il illustra de ses compositions pour d'illustres cinéastes : Seul sur l'océan Pacifique (1963) de Kon Ichikawa, La Femme des sables (1964) de Hiroshi Teshigahara pour lequel il composera pour sept autres films, Kwaïdan (1964) de Masaki Kobayashi avec lequel il collabora à neuf reprises, Nuages épars (1967) de Mikio Naruse, Dode’skaden (1970) d'Akira Kurosawa, L’Empire de la passion (1978) de Nagisa Ôshima, Ran (1985) d'Akira Kurosawa, Pluie noire (1989) de Shôhei Imamura, ou encore Sharaku (1995) de Masahiro Shinoda pour lequel il signa la composition de seize films.
La même année, en 1955, puis les suivantes, Tôru Takemitsu expérimente au sein du studio de musique concrète et électronique de la NHK (l'équivalent pourrait-on dire de ce que fut pour l'image et l'univers sonore le Service de la recherche de la RTF puis de l'ORTF dirigé par Pierre Schaeffer) des œuvres pour bande, mais aussi radiophoniques et télévisuelles et où sa production sera là également considérable.
Tôru Takemitsu retrouvera l'univers de la marionnette en 1981, ou plus exactement celui des poupées animées image par image par Kihachirô Kawamoto, avec le premier long-métrage de cet illustre artiste de la stop-motion Rennyo to Sono Haha (Rennyo et sa mère). Le grand cinéaste Kaneto Shindo signa le scénario de cette œuvre qui fut une commande de la part d'une organisation bouddhiste. L'ouvrage raconte l'histoire du prêtre Rennyo (1415-1499) de l'école bouddhique Jôdo Shinshû créée par le moine Shinran (1173-1263). De part son action, il est vénéré par les fidèles comme le « second fondateur » du Jôdo Shinshû. En 1998, un autre film d'animation (inédit en France comme le film de Kawamoto) présentera ce personnage historique Rennyo Monogatari avec notamment au character design et à la direction de l'animation le grand Kazuo Komatsubara dont ce fut hélas l'un de ses derniers travaux...
Œuvre française mise dans une forme artistique japonaise, le mélange convenait bien au compositeur qui lui-même avait été sous l’influence marquée de Claude Debussy, Erik Satie ou Olivier Messiaen, et de fait des impressionnistes français. Les compositions qu'il crée ainsi pour Ie Naki Ko sont aux couleurs de ce courant musical.

Comme évoqué plus haut Sans Famille connaîtra d’autres adaptations japonaises, dont l’une des plus fameuses et marquantes – et qui connut un grand succès en France – fut celle produite par le studio TMS et réalisée par le grand Osamu Dezaki. Ce dernier, qui avait 11 ans lors de la diffusion de Ie Naki Ko du théâtre Kakashiza, a peut-être été parmi les jeunes téléspectateurs à suivre les aventures de ce Rémi en ombres chinoises. Cela pourrait expliquer la caractéristique du générique de fin de son Rémi où on ne voit des personnages qui y sont mis en scène que la silhouette, le réalisateur ayant peut-être voulu faire référence à l'ouvrage de marionnettes.

Dans une démarche de mémoire et de nostalgie, un épisode de cette série, le dernier (le seul conservé ?), a été édité en DVD au Japon en janvier 2003. Sur celui-ci était présent également d'autres épisodes issues des séries de marionnettes de la NHK : le 4ème épisode de la série Terebi Sensuke Man’yûki (du dimanche 3 avril 1955 au dimanche 26 juin 1955) avec les marionnettes de la compagnie Youkiza ainsi que deux épisodes (les derniers, 811 et 812) et un spécial de la série Chirorin Mura To Kurumi No Ki évoqué plus haut.

Auteur : Captain Jack
Sources :
Fiche de la série sur le site officiel de la NHK
Site officiel de la compagnie du théâtre d'ombres Kakashiza
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Ie Naki Ko © Hector Malot / NHK Enterprises, KakashiZa
Fiche publiée le 27 avril 2023 - Dernière modification le 29 août 2023 - Lue 2784 fois