Kekko Kamen

Quelque part, caché au fond du Japon, se situe l'institut spartiate d'études supérieures... Ce lycée très particulier est tenu d'une main de fer par Satan no Ashi no Tsume (littéralement : l'ongle d'orteil de Satan), un mystérieux homme masqué qui inspire la crainte à tous ses élèves. Il faut dire que ceux (et surtout celles !) qui ne se montrent pas au niveau très élevé et exigeant de l'établissement, vont subir de multiples sévices et tortures d'ordre sexuel de la part des professeurs... La pauvre Mayumi Takahashi en fait hélas régulièrement les frais...
C'est alors que Kekko Kamen, une étrange justicière masquée, apparait dès que les châtiments commencent. Elle va rendre dingue tout le corps professoral et leur sinistre proviseur, d'autant qu'elle combat entièrement nue, à l'exception de bottes rouges et de son masque intégral...
Qui peut donc se cacher sous cette étrange identité ? Peut-être Yuka Chigusa, l'athlétique amie de Mayumi ? Mais elle a pourtant été vue en même temps que Kekko Kamen...

Cette oeuvre totalement invraisemblable et loufoque est une création de Gô Nagai. Ce dernier avait envoyé ce titre à son éditeur, pensant lui faire une blague, avec cette héroïne nue et masquée faisant régner la justice dans un lycée sinistre... Nagai s'amusait de sa réaction et pensait qu'il refuserait évidemment, sauf que son éditeur adora le concept !
En réalité, Kekko Kamen est une parodie de Gekko Kamen, une série live japonaise de la fin des années 50 en 130 épisodes, sorte de réponse nippone à Batman, Lone Ranger ou encore Zorro, et qui avait fasciné Gô Nagai durant son enfance.

Le manga sort en 1974 et court sur 5 volumes, qui seront réédités au fil des années sous diverses formes condensées. Le scénario offre la plupart des codes qu'on retrouve dans l'oeuvre de Nagai, d'ailleurs...
Le cadre de l'histoire, qui met en scène un lycée improbable, s'inspire d'un vieux manga de l'auteur, "Harenchi Gakuen" (l'école impudique) et développe à nouveau la thématique de la lutte étudiante contre l'autorité scolaire, mais de façon totalement décalée bien entendu. Si le lycée est mixte, seules les filles subiront les pires des sévices physiques, selon le bon plaisir des professeurs psychopathes. L'occasion pour Nagai de dessiner une fois de plus, des personnages féminins en petite tenue, voire totalement dénudées, et soumises aux pires fantasmes de leurs geôliers aux sourires démoniaques. C'est principalement la jeune Mayumi qui subit continuellement les agressions, incarnant la victime systématique de la BD. Elle est la proie du terrible proviseur "Ongle d'orteil de Satan" (son nom étant lui-même une parodie du nom du méchant de Gekko Kamen (Griffe de Satan), sorte de méchant masqué aux allures de Kabuki, dans une longue et inquiétante toge noire...
Si l'identité du méchant est tenue secrète, elle intrigue moins que la fameuse héroïne, dont personne, pas même le lecteur, ne connait le vrai visage. C'est d'ailleurs tout l'intérêt du manga, qui à chaque chapitre, propose de nouvelles pistes, de nouvelles filles potentiellement capables d'être Kekko Kamen... Cette situation est assez originale, puisqu'il est rare que le lecteur soit ainsi écarté du secret du personnage principal...

4 OAV sont réalisées dans les années 90 (tandis que 11 films live seront aussi édités ! Il fallait oser !)
L'essence même de la BD est retranscrite dans ces dessins animés qui, malgré leur humour et leur ton totalement loufoque et décalé, nous font réaliser à quel point notre culture est à des lieues de celle des japonais, sur ce titre précis. Une telle série, surtout de nos jours, serait impensable chez nous. Même si on rit devant tant de délire, on peut être gêné devant la première méchante affrontée par Kekko Kamen, sorte de dominatrice sado-maso nazie, arborant fièrement sa croix gammée, ou devant le fameux coup spécial de l'héroïne qui, après un saut majestueux, écarte les jambes pour venir écraser son sexe sur le visage de son ennemi et enserrer celui-ci dans ses cuisses, le laissant KO (béat et aux anges !)...
Chacun aura son jugement, mais il faut reconnaitre que c'est un humour assez particulier et extrême !

Gô Nagai défend sa création en soulignant qu'il met en valeur à chaque fois des personnages féminins secondaires à forte personnalité, et qui gagnent à la fin. Une sorte de valorisation féministe en plein milieu des années 70 !
Pour une fois, la BD se conclut (à l'inverse des OAV qui n'apportent pas de vraie conclusion). On découvre avec étonnement qu'il y a en fait plusieurs Kekko Kamen (la principale étant la soeur jumelle de Yuka Chigusa, lui permettant de s'offrir un alibi lorsqu'elle est vue en compagnie de la justicière masquée !)... Cette révélation inattendue a le mérite, outre de surprendre le lecteur, de mettre en effet en valeur les femmes de ce Manga.
En France, le Manga original est finalement sorti en 2017, offrant une arrivée discrète à Kekko Kamen sur notre territoire. Elle fera en quelque sorte des émules puisque l'auteur Ando Keishu fera ce qu'on pourrait considérer comme la parodie de la parodie, avec "Hentai Kamen". Ici, il s'agit d'un jeune lycéen qui combat ses ennemis, masqué... d'un slip sur la tête ! La bonne morale est sauve puisque s'il se bat nu lui aussi, il porte la petite culotte de sa copine pour cacher son sexe...