Diffusions
1ère diffusion hertzienne | 3 juillet 2000 (Canal+) |
Synopsis
Un nouveau pont est dressé entre les générations : d’un côté Bambi, icône absolue des studios Disney, incarnation d’une animation en dessins animés alors au sommet de son art ; de l’autre Godzilla, digne représentant des monstres géants du cinéma…
Deux immenses figures de la culture populaire, enfin réunies pour la première fois dans le cross-over cinéphilique ultime que le monde entier attendait…
Quelle sera donc l’issue de cette rencontre au sommet ?
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Étudiant au Los Angeles Art Center College of Design, Marv Newland travaille en 1969 sur son projet de fin d’année : un court-métrage en prises de vues directes intitulé On Cloudy Days I Sleep In qu’il tourne au parc de l’Institut Griffith. Alors que son récit requiert absolument un plan d’un lever de soleil, les matinées nuageuses se succèdent, au grand malheur du jeune réalisateur qui voit l’échéance de sa présentation se rapprocher petit à petit. Pris de panique, il abandonne son projet et décide de faire à la place un dessin animé dont il pourra contrôler chaque aspect sans se préoccuper de la météo. L’idée vient d’une blague qu’il avait enregistré sur bande, en faisant écouter aux gens « la bande-son du film le plus court du monde » qui consistait en un cri de terreur suraigu suivi d’un profond rugissement. À la question du titre du film, Newland répondait : « Bambi rencontre Godzilla ».
L’adaptation animée de cette blague est conçue en deux jours avec les moyens du bord, à savoir un simple trépied et une caméra Bolex 16 mm pointée sur une table. L’idée du générique étiré en longueur s’impose aussitôt afin que l’ensemble atteigne la durée de 90 secondes, soit le minimum pour pouvoir être présenté en tant que film.
Sur l’air de la 3ème partie de L’Ouverture de Guillaume Tell de Rossini, Bambi est en train de paître paisiblement tandis que défile un interminable générique uniquement centré sur le nom de Marv Newland, dans une logique absurde culminant jusqu’à la mention « Marv Newland produced by Mr. and Mrs. Newland ». C’est alors que l’énorme patte de Godzilla écrase le faon (avec en fond sonore la note finale – légèrement ralentie – de la chanson A Day in the Life des Beatles). Fin.
Marv Newland ressort de l’école diplômé grâce à ce film. En présentant son travail à des professionnels, le réalisateur constate que son petit dessin animé attire plus l’attention que ses autres films en prises de vues directes. Le futur acteur John Amos – qui travaillait alors à l’agence de publicité Chiat/Day – repère Bambi Meets Godzilla et le fait diffuser à la télévision sur une chaîne locale. Le film acquiert progressivement un statut de d’œuvre culte lorsque d’autres chaînes le diffusent à leur tour (dont NBC) ainsi que des salles de cinéma indépendantes en première partie de programme pour Le Roi de cœur (1966) de Philippe de Broca ou Le Shérif est en prison (1974) de Mel Brooks.
Au-delà du simple gag, le film constitue aux yeux de toute une génération un véritable manifeste de la contre-culture animée dans le cadre d’une industrie trop longtemps formatée, et cela trois avant l’arrivée de Fritz the Cat de Ralph Bakshi. Terry Gilliam reconnaîtra d’ailleurs s’être inspiré du film pour le gag de l’énorme pied qui écrase un personnage lors du générique d’ouverture de The Monty Python’s Flying Circus (1969-1974).
Avec son animation minimaliste, Bambi Meets Godzilla revient aux débuts du cartoon autant qu’il « tue le père » disneyen de la façon la plus radicale qui soit : au moyen d’un monstre issu du cinéma d’exploitation, avec un sens de la dérision tenant presque du sacrilège. Comble de l‘ironie symbolique, la logeuse de Marv Newland chez qui le film fut réalisé n’est nulle autre qu’Adriana Caselotti, l’actrice qui prêta sa voix à Blanche-Neige pour la firme aux grandes oreilles.
En 1975, le réalisateur fondera à Vancouver sa propre structure, International Rocketship Limited, dédiée à une animation anticonformiste. Durant les années 1980, son film de fin d’études attirera l’attention de Craig « Spike » Decker et Mike Gribble, fondateurs de multiples événements autour de l’animation alternative ; parmi leurs faits d’armes, le Spike & Mike’s Sick & Twisted Festival of Animation fera figurer en bonne place Bambi Meets Godzilla dans leur programmation et continuera de porter cet esprit iconoclaste en révélant des artistes comme Danny Antonucci, Bill Plympton, Mike Judge ou Don Hertzfeldt qui tous citeront le film de Marv Newland comme la source d’une nouvelle manière de concevoir le dessin animé.
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Sources :
Jerry Beck, Outlaw Animation – Cutting-Edge Cartoons from the Spike & Mike Festivals, Harry N. Abrams Inc. Publishers, 2003.
vantagepointinterviews.com
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